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On a tous besoin de « modèles » pour trouver nos sources d’inspiration

Ces personnes qui nous inspirent et nous font avancer

Rappelez-vous: dès sa mort, et pendant le mois qui a suivi, l’effet «Mandela» a été planétaire, global, universel. L’influence de sa personnalité à la fois courageuse et bienveillante semblait avoir touché chacun d’entre nous. Ses comportements à différents moments de son histoire étaient sur tous les médias du monde, son parcours était raconté dans les écoles… L’humanité semblait soudain adouber sans réticence un modèle, une source d’inspiration.

En réalité, chacun d’entre nous a dans son for intérieur ses «Mandela» à lui, panthéon de personnes célèbres, vivantes ou non, personnages de fiction ou proches existant vraiment, qu’il admire et qui l’aident à se construire. Ces personnes sont appelées «rôles modèles» (role modeling), car des études ont montré qu’elles ont une influence significative sur nos choix professionnels, notamment, ou notre manière d’être parents.

Alors que les recherches sur cette question, assez rares, étaient d’ordre sociologique, aujourd’hui la psychologie positive et le développement personnel s’y intéressent, car les rôles modèles sont à la fois des balises à travers lesquelles chacun peut mieux se connaître et des éclaireurs qui aident à progresser.

Des influences stimulantes

La coach et psychanalyste Florence Lautrédou, qui remotive dirigeants et cadres, en a conçu certains moments clés de ses séminaires. «Au début de certaines sessions en groupe, je fais passer un diaporama de grandes figures archétypales, passées ou présentes, explique-t-elle. Des politiques comme de Gaulle ou Che Guevara, des inventeurs comme Einstein ou Freud, des artistes comme John Lennon… Je réactive ainsi la capacité à admirer des participants.» Puis chacun est appelé à parler devant le groupe des personnes qu’il apprécie le plus, qu’il s’agisse de célébrités ou de proches, comme un grand-père ou un professeur.

La métamorphose est alors tangible. «Quelqu’un qui parle de son rôle modèle a les yeux qui brillent et semble se déployer sous l’effet de l’enthousiasme», constate la coach. C’est que cette admiration révèle des éléments importants chez celui qui en est agité: «Nous ne pouvons admirer chez les autres que des qualités qui sont en germe chez nous, affirme Florence Lautrédou. Sinon, nous y serions insensibles.»

C’est justement pour aider au développement de potentiels en germe que la psychologie positives’intéresse aux influences stimulantes. «Dans un premier temps, un chercheur comme le Canadien Albert Bandura, qui travaillait sur l’apprentissage social, a montré l’importance des modèles “techniques” lorsqu’on les prend avec des objectifs précis», explique Jacques Lecomte, président d’honneur de l’Association française de psychologie positive.

Des «étoiles»

Ce qui importe, c’est l’opportunité de pouvoir observer un individu similaire à soi-même exécuter une activité donnée. Se constitue alors une source d’information importante influençant la perception d’auto-efficacité et appelée «expérience vicariante». Ainsi du jeune footeux qui vénère Zidane et s’inspire de ses passes. «Mais si le modèle est trop différent, trop éloigné de nous, cela ne marche pas, précise Jacques Lecomte. Un senior qui voudra continuer à pratiquer le foot aura plus intérêt à fréquenter les clubs de vétérans de sa région qu’à se repasser les matchs de Zidane!»

Il est cependant un domaine où les modèles peuvent être plus éloignés de nous: le domaine moral. Ce sont alors des porteurs d’idéal, comme des lumières, qui nous permettent de nous «élever». Le sportif Lilian Thuram a notamment fait un livre en ce sens, Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama (Éd. Philippe Rey).

Jonathan Haidt, professeur de psychologie à l’université de Virginie, a choisi de nommer «élévation» cette émotion que nous éprouvons lorsque nous voyons des personnes incarner pleinement des valeurs de liberté, de courage ou de compassion. «Selon Haidt, l’élévation produit des émotions chaleureuses et motive les gens à agir de manière plus vertueuse», explique Jacques Lecomte, qui est aussi l’auteur d’un livre sur La Bonté humaine (Éd. Odile Jacob). «Plusieurs études ont montré que lorsqu’une personne visionne un petit film ou lit un récit décrivant une action menée par une personne altruiste, cela l’incite à se montrer elle-même généreuse et altruiste

Florence Lautrédou confirme: «Ceux qui identifient le mieux leurs “rôles modèles”, les “fréquentent” régulièrement – en lisant des articles ou des biographies les concernant ou en pensant souvent à eux – sont aussi ceux qui évoluent le mieux dans leur vie.» Qu’ils se fondent sur l’humour de leur vieil oncle ou la résilience d’un Primo Levi, l’important est qu’ils soient alors capables de répondre à cette question récurrente: «Comment feraient-ils, mes phares, dans une telle situation?»

Le Figaro – Par Pascale Senk – le 28/02/2014